Pelléas et Mélisande, en concert au Théâtre des Champs-Elysées. Des années durant, le chef Désiré-Emile Inghelbrecht l’a dirigé une fois l’an. C’était la messe de la francité, la sacralisation de cet essai d’anti-opéra, d’antidote contre le poison wagnérien. En 2000, Bernard Haitink le dirige, toujours avec l’Orchestre National. Le résultat, édité sur disque (Naïve), est excellent mais dépourvu de dimension symbolique. Hier, Louis Langrée avec l’Orchestre de Paris, et un plateau introuvable : Natalie Dessay, Simon Keenlyside, Marie-Nicole Lemieux, Laurent Naouri. Atmosphère recueillie, lent ballet des solistes. L’orchestre, capiteux et violent, rappelle Inghelbrecht (ou ce qu’on en sait par le disque). Peu à peu, le théâtre s’installe : Lemieux fait de la lettre à Pelléas un moment d’anthologie, Naouri impose un Golaud souffrant qui ne ressemble à aucun autre, Dessay est insaisissable en amoureuse venue d’on ne sait où. L’œuvre apparaît sous ses deux faces : négation du théâtre et exacerbation de la tension dramatique. On en sort épuisé et un peu frustré, avec le sentiment qu’on a touché le cœur du sujet. Quelle mise en scène a jamais exprimé cela ?
François Lafon
Théâtre des Champs-Elysées, Paris. Les 15 et 17 avril à 20h. Londres, Barbican Center, 19 avril. (Photo de répétition ©Orchestre de Paris)