Vendredi 29 mars 2024
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Opéra Comique : Le Timbre d’argent et l’air du temps
samedi 10 juin 2017 à 01h41
A l’Opéra Comique : Le Timbre d’argent de Camille Saint-Saëns, dans le cadre du festival Palazzetto Bru Zane. Des treize opéras de Saint-Saëns, seul Samson et Dalila a survécu, mais celui-ci - le premier - a particulièrement joué de malchance : théâtres en faillite, promesses non-tenues, guerre de 1870, six versions oscillant entre grand opéra et opéra-comique, jusqu’à la dernière - retenue ici - créée à Bruxelles en 1914. Malchance, seulement ? Le cauchemar du peintre Conrad, à qui le Diable offre un timbre d’argent (c’est-à-dire une sonnette de table) dont chaque tintement exaucera ses désirs de richesse et d’amour mais qu’il paiera de la mort d’un proche, était un sujet dans l’air du temps, d’ailleurs signé Barbier et Carré, les librettistes des beaucoup moins oubliés Faust (Gounod) et Les Contes d’Hoffmann (Offenbach). Mais le jeune Saint-Saëns voulait casser les codes, croquer à fresque « la lutte d’une âme d’artiste contre les vulgarités de la vie », offrait le premier rôle féminin à une danseuse, donnait à l’orchestre une importance qui – « motifs de rappel » en tête – rappelait trop Wagner et la musique allemande aux oreilles nationalistes. Un siècle plus tard, la malchance s’explique autrement : intrigue pas très bien ficelée, musique faisant le grand écart entre grand style et opérette, dépourvue de tubes mémorables. Est-ce la mise en scène de Guillaume Vincent, pratiquant un réalisme poétique revisité, « machinant le théâtre » (comme dit le Diable) ? Outre Faust (le Diable et le pacte) et Les Contes d’Hoffmann (Le Diable et la Femme), on pense au Rake’s Progress de Stravinsky (Le Diable et l’argent) et même à Lulu de Berg (le Diable fait femme). François-Xavier Roth, avec ses Siècles et le Choeur Accentus, va dans le même sens, retrouvant le fantastique un peu éventé de l’ouvrage dans un scintillement de références et associations. Belle distribution (un disque/livre Palazzetto Bru Zane est annoncé) dominée par l’éclectique Tassis Christoyannis en démon qui sait s’amuser, mais où les dames qui n’ont pas grand-chose à chanter (excellentes Hélène Guilmette et Jodie Devos) l’emportent sur les deux ténors, qui - le premier surtout - ont beaucoup à faire, tandis que Raphaëlle Delaunay, danseuse à fort tempérament, joue davantage les aguicheuses que les femmes fatales. 
François Lafon

Opéra Comique, Paris, jusqu’au 19 juin – En différé sur France Musique le 2 juillet (Photo © Pierre Grosbois)

 

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