A l’Opéra Bastille, Elektra de Richard Strauss dans la mise en scène de Robert Carsen (Tokyo, 2005, Mai Musical Florentin, 2008). Une arène de sable noir cernée de hauts murs, un ballet de servantes-clones d'Elektra formant chœur antique, un hommage à Pina Bausch sans Pina Bausch, esthétiquement séduisant, ponctué de moments forts, comme l’apparition de Clytemnestre sur son lit blanc porté comme un linceul. Pas de danse hystérique, pas de rires fous ni de dérapages gores, si ce n’est l’étrange scène d’amour d’Elektra avec un Agamemnon nu aux allures de Christ au tombeau. Impression tenace pourtant que le sujet n’est qu’effleuré, que les personnages ne sont que des motifs dans le tapis, que le cérémonial tient lieu d’analyse dramaturgique. Difficile, après la lecture au scanner de Patrice Chéreau (voir ici - Arte Live Web, jusqu’au 29 octobre. Bientôt, on l’espère, en DVD) de revenir à ces stéréotypes, fussent-ils artistement relookés. Perdues dans l’immensité, les voix sont désincarnées, elles aussi, comme abstraites. Dommage pour Irène Theorin, Ricarda Merbeth, Waltraud Meier surtout, si impressionnante dans le spectacle de Chéreau. Tout le théâtre est dans la fosse, où Philippe Jordan dirige un orchestre somptueux, traversé du souffle tragique et de la densité psychologique que la scène nous refuse.
François Lafon
Opéra National de Paris, Bastille, jusqu’au 1er décembre. En différé sur France Musique le 20 novembre Photo © Opéra