A Pleyel, Nicholas Angelich joue en deux soirées les deux Concertos de Brahms, avec l’Orchestre de Paris dirigé par Paavo Järvi. Le Second n’a plus rien de la symphonie avec piano principal qu’on lui reproche (ou le félicite) d’être. Arcbouté sur son tabouret, effleurant le clavier, le caressant presque avant de lui demander l’impossible – des phrases incroyablement sculptées, des nuances infinies -, déployant une dynamique - du pianissimo au fortissimo « au fond du clavier » - ressuscitant l’époque des grands monstres - les Backhaus, les Richter, les Guilels -, il fait de cet Himalaya pianistique un poème fou, entre Keats et Hölderlin. Comme dans leur enregistrement commun (Virgin, 2010, avec l’Orchestre de la Radio de Francfort), Järvi rationnalise le discours, au risque de le banaliser. C’est ce Brahms volontariste qu’il imposera en seconde partie dans une 1ère Symphonie parfaitement structurée, mais privée du « développement organique » si difficile à rendre, et qui fait le génie de cette musique. On ne retrouve l’univers créé par le pianiste qu’au détour d’une intervention soliste – flûte, cor, lumineux premier violon (Roland Daugareil) -, comme pour montrer que le Brahms d’Angelich et celui de Järvi ne sont pas inconciliables.
François Lafon
Salle Pleyel, Paris, les 23 et 24 avril. Concert du 23 accessible sur Arte Concert, orchestredeparis.com et citedelamusique.tv. Photo © DR