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Concerts & dépendances
Nantes : Une étonnante production du Couronnement de Poppée
vendredi 20 octobre 2017 à 13h33
À la veille du départ (fin 2017) de son directeur général Jean-Paul Davois, auquel succédera Alain Surrans (Opéra de Rennes), Angers Nantes Opéra pouvait s’enorgueillir de confier au tandem de metteurs en scène Moshe Leiser et Patrice Caurier une nouvelle production du Couronnement de Poppée de Monteverdi. 
On connaît la contrainte de cet ouvrage du XVIIème siècle où : « il s’agit davantage d’écouter un texte mis en musique que de seulement écouter de la musique » (Leiser), tout en préservant le sens théâtral d’une partition dont ne nous sont parvenues que la ligne de chant et la basse continue. Plus de trois heures de récitatifs qu’il faut « habiller » d’un orchestre, et c’est dans ce contexte que le travail des metteurs en scène est particulièrement captivant, puisque Moshe Leiser a confirmé son intérêt pour la musique en dirigeant lui-même en duo avec le chef d’orchestre Gianluca Capuano… Peut-être n’est-ce pas un hasard s’il confiait récemment apprécier tout spécialement la version discographique de cet ouvrage par La Venexiana et Claudio Cavina (Glossa) : ce même Claudio Cavina qui, lui, passait de la fosse à la mise en scène à l’invitation du Festival de Schwetzingen, en mai dernier.
Résultat ? Un spectacle étonnant sur le plan dramaturgique où l’on apprécie la manière avec laquelle le texte du poète Busenello resplendit à chaque mot, chaque phrase. À les observer face aux musiciens de l’ensemble italien Il Canto di Orfeo (fondé par le chef, en 2005), leurs gestes à la fois mesurés et précis participaient au succès de ce Couronnement. Fallait-il pour cela banaliser à ce point le décor ? La baignoire où se suicide Sénèque, le rideau de fer sur une volée de buildings au loin, le papier à grosses fleurs sur les murs d’une chambre modulable, les cartes-postales d’intérieurs de palais et autre châteaux antiques, sans parler de Néron en jogging, Poppée et sa fourrure, et Drusilla en tenue fifties ? Oui, répondent les metteurs en scène qui pensent qu’il faut ancrer le texte – le premier à partir de personnages historiques réels – dans notre monde contemporain. Dans ce cas, pourquoi ne pas concentrer l’action sur un plateau nu ? Mais tout cela est finalement secondaire, tant une distribution vocale homogène obéit au plus près au mouvement des humeurs, d’Elmar Gilbertsson (Néron) à Renato Dolcini (Othon) et Peter Kalman (Sénèque), de Chiara Skerath (Poppée) à Rinat Shaham (Octavie) et Elodie Kimmel (Drusilla). Plus encore, ce sont les rôles plus modestes qui touchent à la vérité par leur sens de la comédie : le contre-ténor Logan Lopez Gonzalez en Amour ailé et doré de la tête aux pieds (unique clin d’œil à la peinture de l’époque), qui virevolte avec grâce dans les airs, Éric Vignau, royal(e) Arnalte, et Dominique Visse tout aussi impeccable et si drôle en Nourrice cacochyme – voix et sentiments, sans caricature. La perfection des chanteurs se retrouve dans le soin apporté aux instruments, même si, ici ou là, on aurait souhaité plus d’imagination dans l’orchestration. Une reprise serait amplement justifiée au vu de ce remarquable travail.
Franck Mallet

Mardi 17 octobre, Théâtre Graslin, Nantes. (Photo : de gauche à droite : Logan Lopez Gonzalez (Amour), Chiara Skerath (Poppée) et Elmar Gilbertsson (Néron) ; ©Jef Rabillon)
 
 

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