A des titres et à des degrés différents, aussi bien Mozart que Richard Strauss se sont produits à Leipzig, et pour Strauss, l’auteur d’Idomeneo était un dieu. En 1944, il dédia sa Sonatine pour vents n°2 « aux mânes du divin Mozart, au terme d’une vie pénétrée de gratitude ». En cette année 2015, l’Orchestre du Gewandhaus a conçu un cycle de concerts (dont trois à Paris) permettant d’entendre des concertos de Mozart entourés de poèmes symphoniques de Strauss. Il fallait oser, les sonorités n’étant pas les mêmes, surtout quand il s’agit, en ce qui concerne le Salzbourgeois, non d’un « grand » concerto pour piano mais du discret Concerto pour violon n°3. Pari tenu : interprétation de Christian Tetzlaff sans rien d’ostentatoire, très intérieure, en contraste total avec les côtés tonitruants de Strauss mais d’autant plus en situation. Exploit renouvelé dans le bis consacré à Bach : salle attentive, retenant son souffle. Auparavant Macbeth, ensuite Ainsi parla Zarathoustra, qui traite de la situation conflictuelle existant entre le surhomme nietzschéen et le monde. Là, quand il le faut, l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig et son chef Riccardo Chailly se déchainent sans retenue, servis par l’acoustique de la Grande salle de la Philharmonie : on entend tout, même en plein vacarme, les silences soudains dont (après un sommet d’intensité) ces ouvrages abondent restent habités de musique, sans aucune impression de sécheresse, et surtout, d’un bout à l’autre, le moindre détail, le moindre accent « parle » ». Une prestation vraiment de grande envergure.
Marc Vignal
Grande salle de la Philharmonie de Paris, 12 octobre Photo © DR