Vendredi 29 mars 2024
Concerts & dépendances
Médée, version Cherubini : un mythe décapé et sensuel
mardi 11 décembre 2012 à 11h44

C’est la dolce vita dans la salle, sur fond de variétés des années 60 et d’une vidéo de souvenirs de vacances, deux enfants dansant sur l’avant-scène. Warlikowki l’annonce avant que le spectacle ne commence : il montrera ce que Cherubini et Hoffman ont laissé offstage, l’ambiance festive de cette journée de mariage dans une Corinthe transportée au Lido d’Ostia. Cet éclairage ne fera qu’accentuer, peu à peu mais avec quelle sûreté, la noirceur du drame qui se déroule sur scène et s’intensifie à mesure que le personnage de Médée s’épaissit. D’épouse trompée (Jason est alors ingrat) en mère dépossédée (Jason est dès lors cruel) sous la plume plus de plus en plus acérée du librettiste et celle, nerveuse, du compositeur, ces noces mortelles imposent une expérience physique au spectateur. Coup de maître pas seulement visuel, le dépoussiérage de l’œuvre est général. En fosse, Christophe Rousset s’empare de cette partition toute en tensions, aux ouvertures amples et riche en originalités, surtout du côté des vents où les bois dominent : quelle belle introduction à la flûte de cet Hymen, viens dissiper une grande frayeur (Dircé) et au basson, qui se transforme en basson obligé, de Ah! nos peines seront communes (Médée). Décapage côté texte, les dialogues parlés ayant été entièrement ré-écrits dans un français actuel et cru au point de déclencher des huées, divisant la salle entre applaudissements enthousiastes et lazzis dont on regrettera simplement qu’ils furent si dénués de panache. Dépoussiérage surtout côté interprètes. Car c’est une autre réussite de cette production que de se placer ainsi sous le culte du corps. Tous y participent, mais, soutenue par Vincent le Texier (Créon), John Tessier (Jason) et Varduhi Abrahamyan (une Néris bouleversante dans Ah! nos peines seront communes) Nadja Michael, ex-nageuse de compétition, ex-mannequin, incarne une forme achevée (et définitive ?) du jusqu’auboutisme sensuel et acéré. La scène finale, l’infanticide consommé, tonne comme une porte qui claque. C’est d’ailleurs ce claquement final qui laissera l’audience sans voix.

Albéric Lagier

Théâtre des Champs Elysées, 12, 14 et 16 décembre 2012. DVD paru chez Bel Air CLassiques Photo © DR

 

Concerts & dépendances
 
Anciens sujets par thème
 

Anciens sujets par date
2024
2023
2022
2021
2020
2019
2018
2017
2016
2015
2014
2013
2012
2011
2010
2009