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Mârouf, savetier du Caire, bluffant à plus d’un titre
mardi 24 avril 2018 à 00h53
A l’Opéra Comique : Mârouf, savetier du Caire de Henri Rabaud, reprise du spectacle mis en scène in loco par Jérôme Deschamps (2013) via l’Opéra de Bordeaux,  où Marc Minkowski – ce soir dans la fosse – l’a affiché à la rentrée dernière. Sous ce titre qui fleure bon l’opérette, un ouvrage ambitieux, succès ininterrompu (et international) de 1914 - création à l’Opéra Comique - à 1950 - dernière au Palais Garnier. Le livret, tiré d’un chapitre peu connu des Mille et une nuits, est une histoire de bluff (l’ouvrage - c’est dire sa notoriété - a largement contribué à mettre à la mode le mot, venant du poker et passé dans le langage militaire) : un pauvre savetier martyrisé par sa femme épouse la fille du Calife en se faisant passer pour un riche commanditaire de caravane, situation dont il se tirera grâce à un anneau magique (rien à voir avec celui des Niebelungen, quoique…). Bluffante elle aussi la musique de Rabaud, compositeur prolifique, directeur du Conservatoire, chef principal à l’Opéra, dont l’oubli tient peut-être en partie à son attitude résolument vichyssoise pendant l’Occupation. Surfant sur la vague orientaliste à laquelle Shéhérazade (de Rimski-Korsakov) chorégraphiée par les Ballets Russes avaient donné des allures avant-gardistes, celle-ci est d’une richesse peu commune, réconciliant presque trois heures durant mélodie continue et formes traditionnelles, beau chant et récitatif.  Bluffante aussi l’habileté de Jérôme Deschamps, qui n’a pas tenté de donner des couleurs actuelles (et Dieu sait pourtant…) à cet Orient rêvé à l’époque où les colonies étaient florissantes et où les expositions universelles confirmaient l’Europe dans son rôle de reine du monde, préférant l’univers entre Walt Disney (Aladin) et Iznogood de l’ « enfant qui s’enchante de la découverte d’un conte » (costumes délectables de Vanessa Sanino). Sous la baguette généreuse de Minkowski (la fosse de la salle Favart sonne fort) à la tête de l’Orchestre de Bordeaux Aquitaine, le plateau est un sans faute, dominé par Jean-Sébastien Bou retrouvant un de ses meilleurs rôles, baryton Martin alla Pelléas (un de ses autres meilleurs rôles), successeur en droite ligne du créateur Jean Périer, premier Mârouf et premier Pelléas. 
François Lafon 

Opéra Comique, Paris, jusqu’au 29 avril (Photo © Vincent Pontet)

 

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