Au théâtre de l’Athénée, deuxième production en trois ans des Enfants terribles de Philip Glass d’après le roman de Jean Cocteau. Quatre chanteurs, trois pianos, une scénographie en images numériques signée Romain Sosso et Stéphane Vérité, aussi metteur en scène : un numéro de haute école, non moins « cocteauien » que le film célèbre de Jean-Pierre Melville (1950). La musique de Glass – ritournelles obsessionnelles et récitatifs à la Poulenc – peut paraître systématique, voire flagorneuse, elle fonctionne pourtant, comme une ronde enfermant l’histoire de ce couple frère-sœur mourant de devenir adulte. Obsédé par Cocteau (c’est là le troisième volet d’une trilogie dont les deux autres sont Orphée et La Belle et la Bête), fasciné par le Groupe des Six, élève de Nadia Boulanger (comme tant d’Américains, et des plus typiques), Glass donne là, toute proportion gardée, son Pelléas et Mélisande (le sujet, sinon la musique, n’est pas si éloigné). Même pertinence dans le spectacle, traversé d’images rassurantes et effrayantes – chambre cocon et nature hostile –, sans allusion facile à l’esthétique de Cocteau, plus proche des intérieurs-extérieurs à la fois légers et étouffants de Christian Bérard. Etonnant travail avec les interprètes aussi, très jeunes, chantant comme on parle (une qualité, en l’occurrence), mélange d’innocence et de cruauté propres à l’enfance. Un exemple, qu’on le veuille ou non, de ce théâtre en musique à côté duquel tant de nos compositeurs, et même les meilleurs, passent avec obstination.
François Lafon
Théâtre de l’Athénée, Paris, jusqu’au 2 décembre Photo © DR