Trois veines lyriques de Benjamin Britten à l’Opéra de Lyon, avec en alternance Peter Grimes (grand opéra), The Curlew River (parabole d’église) et Le Tour d’écrou (opéra de chambre). Pour ce dernier, univers fantasmatique de l’Argentine Valentina Carrasco, collaboratrice des Catalans de la Fura dels Baus. Génie de Britten : incarner scéniquement et musicalement la ghost story de Henry James sans la priver de son mystère, en épaississant celui-ci même. Dans le programme de salle, répertoire d’énigmes : « Pourquoi ce titre ? » ; « Que signifie de chant de Peter Quint ? » ; « Qu’est-ce que la Cérémonie de l’innocence ? » ; « Qui a tué le petit Miles ? » ; « La Gouvernante est-elle folle ? » Toutes questions que le spectacle doit poser en évitant d’expliquer l’inexplicable. Peut-être parce qu’elle s’est davantage attachée à l’atmosphère qu’à la direction des acteurs-chanteurs - très justes au demeurant -, la metteur en scène y parvient, mais au prix d’une certaine froideur. On est fasciné, pas effrayé. Belles idées que ce salon bourgeois pris dans une toile d’araignée, que ce jardin souterrain, comme un monde inversé où les méchants revenants pervertissent les enfants, à moins que tout cela ne se passe dans la tête de la Gouvernante, elle-même pas aussi claire qu’elle en a l’air. Le chef Kazushi Ono dirige à l’unisson : pas ou presque de montée de l’angoisse, de « serrage de l’écrou », mais un jeu de timbres très raffiné (quatorze excellents instrumentistes) menant à un quasi-silence. Comme si rien n’était arrivé, ou autre chose. Encore une question sans réponse.
François Lafon
Opéra de Lyon, jusqu’au 29 avril Photo © Jean-Louis Fernandez