Entracte contemporain au Châtelet : Le Petit Prince de Michaël Levinas, gros succès à Lausanne en novembre dernier. Un opéra pour les enfants, mais pas seulement, comme le conte de Saint-Exupéry dont il s’inspire. Là est évidemment la difficulté : créer une musique à la fois évidente et riche de prolongements (« Le mythe théâtral du Petit Prince a une dimension quasi mozartienne », remarque Levinas), pour illustrer un spectacle fidèle au trait et à l’univers pictural de l’auteur (seule exigence des ayants droit de l’écrivain). En ce sens, le pari est tenu : en mêlant les styles et les époques du gré des rencontres terrestres du Petit Prince venu d’ailleurs, en projetant – clavier numérique aidant - l’orchestre classique dans l’espace contemporain, Levinas donne-là son Enfant et les Sortilèges personnel, à peine moins déstabilisant que celui de Ravel et Colette (« Tu auras de la peine. J’aurai l’air d’être mort et ce ne sera pas vrai… »). Dans la salle, le jeune public réagit aux inventions musicales (l’Ivrogne et ses glouglous) et aux images simples de la metteur en scène Lilo Baur. Dommage seulement qu’à vouloir faire court (1 h 20) et éviter d’être lourd, Levinas assèche quelques thèmes et se prive de quelques prolongements (… « Mais le Petit Prince ne répondit pas », chapitre VI). Exécution optimale (Arie van Beek et l’Orchestre de Picardie), distribution choisie, même si la soprano Jeanne Crousaud est trop adulte pour faire croire au « Petit bonhomme » demandant à l’auteur-aviateur de lui dessiner un mouton.
François Lafon
Châtelet, Paris, du 9 au 12 février. Opéra Royal de Wallonie, Liège, du 17 au 21 octobre Photo © Théâtre du Châtelet