« Grande ouverture festive » du festival Berlioz 2016 au château de Sassenage (Isère), dit château de Mélusine. Pourquoi la fée-serpent, que l’on entend encore siffler et crier dans les grottes proches ? Parce que le thème de l’année est « Les Fleurs du mal ou Berlioz au bal des sorcières ». Pourquoi Baudelaire et Berlioz, le poète et le musicien ne s’étant pas rencontrés ? Une pirouette au fond très berliozienne comme les aime Bruno Messina, tête pensante et artisan du succès de la manifestation, rappelant que Théophile Gautier, inspirateur des Nuits d’été, était l’idole de l’auteur du « Balcon ». C’est d’ailleurs l’ensemble Le Balcon, dirigé par Maxime Pascal, qui ouvre les festivités sur la pelouse de cette demeure XVIIème, avec une Symphonie fantastique revisitée par le jeune compositeur Arthur Lavandier. Orchestre sonorisé (constante du Balcon), vraies cloches (fondues in loco en 2013 – voir ici) et procession infernale pour la « Marche au supplice », dérapages jazz, sonorités étranges et rythmes détricotés, « l’histoire racontée étant celle d’un décalage du réel vers l’halluciné » (Lavandier), se démarquant toujours plus de l’original au fil des cinq mouvements. Un jeu de piste pour l’amateur, lequel se demande quand même si la Fantastique telle qu’en elle-même n’est pas plus angoissante, voire plus moderne pour peu qu’on la joue comme l’a fait John Eliot Gardiner avec l’Orchestre Révolutionnaire et Romantique l’année dernière au festival (voir ici). Public bon enfant, séduit et un peu décontenancé, chauffé par un après-midi gentiment fantastique mettant en lumière les diverses composantes du festival : chœur d’enfants – formidable – du projet vocal « A travers chants » dans le conte de Marcel Landowski et Pierre Gripari La Sorcière du placard à balais, Grand Orchestre Fantastique (et amateur) passant de Hänsel et Gretel à Harry Potter), Quintette à vents et cors des Alpes dans la grotte de la fée, Trio Journal Romantique (alto, piano, acteur, en l’occurrence Daniel Mesguich) célébrant Schumann sous les fresques imitées de Raphaël du grand salon du château. Un patchwork très berliozien, là encore.
François Lafon
La Côte Saint-André, jusqu’au 30 août. www.festivalberlioz.com Photo © DR