Au théâtre de l’Athénée, doublé lyrique contemporain par le Balcon, ensemble en résidence : Lohengrin de Salvatore Sciarrino et Avenida de Los Incas 3518 de Fernando Fiszbein. Un doublé sucré-salé, dans la tradition de ce collectif à géométrie variable mais à audace constante, le tout pimenté par une double mise en scène de Jacques Osinski, lui aussi résident privilégié cette saison à l’Athénée, où il a donné un Don Juan revient de guerre d’Ödön von Horvàth passé trop inaperçu. Constante salée : l’ironie, voire le sarcasme, méchant chez Sciarrino montrant sur un scénario de Jules Laforgue une Elsa aliénée à laquelle Lohengrin a préféré son cygne, plus bon enfant chez Fiszbein nous faisant entrer dans un immeuble de Buenos Aires (pour l’adresse, voir le titre) dont la vie des habitants est mise sens dessus dessous par trois lurons interventionnistes. Constante sucrée-salée chez Osinski et son remarquable vidéaste Yann Chapotel : le jeu virtuose et hilarant de références et de correspondances d’un étage à l’autre de l’immeuble buenos-airien ; l’univers très Exorciste (le film) de Lohengrin, au bord du rituel satanique. Beaucoup de salé tout de même dans ce second opéra (« action invisible » selon Sciarrino), où Elsa est jouée par l’excellent acteur belge Johan Leisen, voix subtilement déraillante et visage marqué sous le voile de mariée. Pour le sucré (mais jamais le mièvre) : le travail au petit point (et sonorisé de façon signifiante) de Maxime Pascal et de ses musiciens et chanteurs, lesquels arrivent à faire passer un peu du génie de l’étrange propre à Sciarrino dans la musique impeccable mais pas toujours assez « dragées au poivre » de Fiszbein.
François Lafon
Au théâtre de l’Athénée, Paris, jusqu’au 23 mai Photo © DR